OTO News (Nissan) – Les discussions s’enlisent sur leur coopération dans la filiale électrique de Renault, Ampère. Un accord ne sera pas trouvé avant la fin de l’année.
C’est la guerre des nerfs entre Renault et Nissan. Les deux constructeurs ne parviennent pas à boucler leurs négociations qu’ils ont commencé l’été dernier. Trois volets sont sur la table. D’abord la remise à plat de l’Alliance à travers les participations croisées entre Renault et Nissan. Et ensuite, leur coopération industrielle au sein des deux nouvelles entités de Renault, dans les véhicules électriques et les moteurs thermiques.
Il y a deux semaines, un élan d’optimisme chez Renault faisait espérer une issue d’ici à la fin de l’année. Mais depuis le début du mois, ça freine de nouveau. « On n’est pas prêt » tranche une source proche de l’Alliance. Nissan négocie de pied ferme les exigences de Renault pour sa future filiale électrique, baptisée « Ampère ». Les points de tension sont toujours les mêmes: la propriété intellectuelle des technologies de Nissan que Renault souhaite utiliser. « Cela concerne les batteries, le véhicule autonome, les logiciels, c’est très stratégique pour eux », reconnait une autre source au fait des négociations.
Nissan se méfie de Google et Qualcomm
Le bras de fer se concentre sur le nombre de technologies et leur accès. Renault souhaite en utiliser un maximum à sa guise. Sauf que Nissan compte bien protéger ses données qui seront transférées dans Ampère. La filiale de Renault construira des véhicules électriques pour d’autres constructeurs. Les Japonais essaient de réduire le champ des technologies qui seront partagées avec Renault et surtout, tente de verrouiller leur accès vis-à-vis de concurrents.
Les Japonais s’inquiètent aussi de l’utilisation de leurs technologies par Qualcomm et Google, les partenaires de Renault dans sa filiale 100% électrique. Les deux alliés américains, continent où Nissan est très fort, aideront Renault sur la connectivité et l’assistance à la conduite. Enfin, Nissan traine des pieds sur le modèle économique d’Ampère qui est encore assez flou. Il estime que la filiale ne vaut pas les 10 milliards d’euros espérés par Renault. Et pour cause, Nissan pourrait y investir et prendre 15% du capital.
L’ombre de Hari Nada
« Il y a des problèmes de propriété intellectuelle et de valorisation dans toutes les négociations, relate un proche de Renault. Le vrai problème ce sont les querelles internes chez Nissan ». Son patron Makoto Uchida pousse à la conclusion rapide d’un accord. Mais en interne, l’ancien vice-président Hari Nada semble lui mettre la pression. Celui qui avait orchestré le putsch contre Carlos Ghosn en 2018 est resté très méfiant à l’égard des Français. Et il a encore de l’influence dans les équipes juridiques de Nissan qu’il a longtemps dirigées et qui sont au cœur des négociations avec Renault. « Il y a beaucoup de pression sur Uchida », reconnait un bon connaisseur de l’Alliance.
Du coup, la direction du constructeur japonais est tiraillée de toutes parts. Et Renault s’impatiente. Mi-novembre, le voyage des dirigeants de Renault à Tokyo s’est mal passé. « Luca de Meo a piqué une colère contre la direction de Nissan », explique une source. « Il est furieux contre le stop and go de Nissan qui pèse sur les négociations » reconnait un de ses proches.
Pas d’accord avant fin janvier
Dans la foulée, Renault a lâché du lest et les discussions ont avancé d’un coup, notamment sur la coopération industrielle dans les moteurs thermiques, la filiale de Renault baptisée « Horse ». Chez Renault, on croyait alors arriver dans la dernière ligne droite. On espérait même boucler un accord la semaine dernière, alors que la direction de Nissan était à Paris pendant trois jours. Le président Jean-Dominique Senard a joué son rôle de pacificateur pour calmer le jeu. Mais les faux espoirs ont été rapidement douchés. « A peine les Japonais ont quitté Paris qu’on entendait déjà dire de Tokyo que rien ne serait signé avant janvier » entend-on dans les couloirs de Renault.
Pour son patron Luca de Meo, le timing est important. Il voulait boucler les négociations d’ici à la fin de l’année pour créer rapidement le « nouveau Renault » l’an prochain. Désormais, plus personne ne s’attend à un accord avant le mois de janvier. « Il n’y aura pas d’accord global en décembre » tranche un cadre de l’Alliance. D’autant que l’activité ralentit en France entre Noël et le jour de l’An. Au Japon, la trêve se prolonge jusqu’à la fête de la majorité, le 9 janvier. La prochaine réunion entre Renault et Nissan aura lieu fin janvier, avant la présentation des résultats annuels du Losange, mi-février. Une nouvelle perspective pour ce marathon sans fin.